Temps de lecture : 8 minutes

La souffrance au travail n’est pas une simple fatigue passagère ou une mauvaise ambiance dans un bureau : elle peut véritablement fragiliser l’estime de soi, altérer la santé mentale et briser des carrières. Ce phénomène, longtemps tabou, est désormais reconnu comme un enjeu majeur de société. Alors, quels sont les signes du mal-être professionnel ? Comment agir contre la souffrance au travail ? Pourquoi la santé au travail est-elle si importante ? Quelles sont les étapes pour comprendre, agir, et parfois même changer de vie ? Santé et sécurité, maladie professionnelle, troubles psychiques, burnout, violence au travail, troubles musculo-squelettiques, stress lié au travail, usure professionnelle : zoom sur les différentes formes de souffrance au travail et les solutions pour la contrer !

Comprendre la souffrance au travail

Le travail, au-delà de son rôle économique, structure profondément nos existences. Il occupe une grande partie de notre temps, influence notre santé mentale, notre équilibre familial, et même notre perception de nous-même. Mais pour de nombreuses personnes, ce qui devrait être source de stabilité et de réalisation devient un terrain de tensions, de douleurs et parfois de détresse profonde. 

Parler de souffrance au travail, c’est d’abord reconnaître qu’elle peut prendre différentes formes. Certaines sont visibles et brutales, comme le harcèlement moral ou sexuel, qui installe une relation de domination destructrice. D’autres sont plus insidieuses : il peut s’agir d’un désengagement progressif, d’une perte de sens (brown out), ou d’un sentiment de ne plus être à sa place dans une organisation qui évolue sans nous. 

Le burn-out, par exemple, est devenu tristement célèbre pour les ravages qu’il peut causer chez des salariés surinvestis, souvent perfectionnistes, qui finissent par s’effondrer physiquement et émotionnellement d’épuisement professionnel.

je n'aime pas mon travail

Souffrance au travail : quelles sont les causes ?

Derrière cette réalité, on trouve des causes systémiques : les principaux facteurs de ces troubles liés au travail sont les modes de management fondés sur la performance à tout prix, la pression psychologique constante des résultats, la précarisation des emplois…

L’informatisation et le télétravail ont certes apporté une plus grande flexibilité, mais aussi une nouvelle forme de solitude professionnelle, où les frontières entre vie privée et professionnelle deviennent floues, voire inexistantes.

Par ailleurs, le déséquilibre entre les attentes de l’entreprise et les ressources du travailleur joue un rôle central dans la souffrance au travail. Lorsque l’on demande toujours plus à un salarié sans lui donner les moyens, le temps ou la reconnaissance suffisante, l’engrenage de la souffrance est enclenché. Et ce n’est pas seulement une question de charge de travail : l’absence de reconnaissance, le manque d’autonomie, l’injustice perçue ou l’inadéquation entre les valeurs personnelles et les missions confiées peuvent suffire à déclencher une crise.

Reconnaître les signes pour ne pas sombrer

Les signes de mal-être au travail se manifestent de plusieurs façons. L’individu peut : 

  • Avoir du mal à se lever le matin ;
  • Ressentir une anxiété croissante dès le dimanche soir ;
  • Perdre l’appétit ;
  • Perdre la concentration ;
  • Ne plus avoir de motivation pour ses activités habituelles. 

Pour certains travailleurs, c’est une tension permanente dans le dos ou la poitrine, pour d’autres, une colère sourde ou une tristesse inexpliquée, qui entraîne de l’absentéisme

Souvent, la personne concernée ne se rend pas immédiatement compte de ce qui lui arrive. Elle attribue sa fatigue à un mauvais sommeil, son irritabilité au stress quotidien, sa perte d’intérêt à une simple lassitude. Pourtant, ces symptômes sont les premiers indicateurs d’un mal plus profond. L’anxiété devient constante, les douleurs physiques se multiplient (maux de tête, mal de dos…), l’enthousiasme disparaît. Le travail, autrefois vecteur d’épanouissement ou de fierté, devient source d’angoisse, de surmenage, de pénibilité, et peut, dans certains cas, mener à des accidents du travail.

Psychologiquement, on observe une baisse de l’estime de soi, un sentiment d’échec diffus, parfois même de honte, d’état dépressif. Certains salariés s’isolent, le lien social se distend, la communication se fait plus difficile. Physiquement, les troubles du sommeil, les migraines, les troubles musculosquelettiques (TMS) ou encore les problèmes digestifs apparaissent. Ces manifestations somatiques sont des alertes que le corps envoie lorsque l’esprit n’est plus capable de porter seul la souffrance.

Les proches, les collègues, et parfois même les supérieurs hiérarchiques peuvent constater un changement. Mais tant que vous ne reconnaissez pas vous-même la situation, aucune amélioration durable n’est possible. Le premier pas, souvent le plus difficile, est donc de reconnaître que « quelque chose ne va pas » dans votre environnement de travail et d’oser en parler.

Rompre le silence et chercher de l’aide

Dans la culture professionnelle, le discours dominant valorise la résilience, la combativité, la performance. Admettre sa souffrance peut être perçu comme une faiblesse, voire une trahison de l’esprit d’équipe. Pourtant, parler, se confier, demander de l’aide, est au contraire un acte de lucidité et de courage qui peut aider à éviter le risque d’épuisement. Cela permet de briser l’isolement et d’ouvrir la voie à un processus de reconstruction.

Pour cela, il est essentiel de choisir les bons interlocuteurs. La médecine du travail, par exemple, peut jouer un rôle pivot. Il est tenu au secret professionnel et peut proposer un arrêt maladie si nécessaire, ou alerter l’entreprise sur les risques psychosociaux (RPS). Le médecin traitant, les psychologues ou encore les thérapeutes spécialisés dans le burn-out peuvent également accompagner cette prise de conscience. N’hésitez pas à vous entourer de professionnels compétents, qui pourront poser un diagnostic clair et envisager des solutions concrètes.

Parallèlement, les ressources internes à l’entreprise peuvent parfois être mobilisées. Les ressources humaines, les représentants du personnel, le CHSCT, les comités sociaux et économiques (CSE) ont pour mission de veiller à la santé des salariés. Bien sûr, cela suppose un climat de confiance et une culture d’entreprise respectueuse, ce qui n’est pas toujours le cas.

Enfin, se confier à des proches est indispensable : certains conseils et observations venant de personnes qui vous connaissent bien peuvent être de réelles pistes pour agir !

Agir à court et moyen terme pour sa santé physique et mentale

Face à une situation de souffrance au travail, vous devez mettre en place des actions concrètes, même modestes. 

Prendre du recul

Dans un premier temps, avant d’améliorer les conditions de travail, prendre du recul est souvent indispensable. Cela peut passer par quelques jours de repos, un arrêt de travail ou des vacances. Ce moment de pause permet de se recentrer, de faire le point, de retrouver un peu de clarté, et de sortir de l’urgence constante.

Réfléchir à vos besoins fondamentaux

Ensuite, réfléchissez à vos besoins fondamentaux : 

  • Qu’est-ce qui me manque aujourd’hui dans mon poste ? 
  • Est-ce de la reconnaissance 
  • De l’autonomie 
  • Un environnement moins stressant ? 
  • Un meilleur équilibre vie pro / vie perso ?
  • Une meilleure adéquation entre mes valeurs et celles de mon entreprise ? 

Ce travail d’introspection de soi peut se faire seul, mais il est souvent plus riche lorsqu’il se fait accompagné, que ce soit par un conseiller en évolution professionnelle, des consultants ou un thérapeute.

Demander des ajustements pour éviter le stress au travail

Dans certains cas, des aménagements de poste peuvent être négociés : réduction du temps de travail, changement de service, télétravail partiel, ou encore formation complémentaire. Ces ajustements peuvent soulager votre situation sans avoir à tout remettre en question. Mais il arrive aussi que ces solutions soient insuffisantes. 

C’est alors qu’une réflexion plus profonde s’impose : suis-je encore à ma place dans ce métier ?

Quand la reconversion professionnelle devient une évidence

Pour certaines personnes, la souffrance au travail n’est pas seulement liée à un environnement toxique ou à des missions mal définies. Elle est le symptôme d’un décalage profond entre leur identité et leur activité professionnelle. Leur métier ne les fait plus vibrer, ne correspond plus à leurs aspirations ou à leurs valeurs. Ils ont évolué, mûri, changé, mais leur poste, lui, est resté figé.

C’est ici que la question de la reconversion professionnelle émerge. Elle peut être une réponse sincère à une crise profonde. Repenser sa carrière, changer de voie, acquérir de nouvelles compétences, n’est plus aujourd’hui une démarche marginale. 

La reconversion peut être douce ou radicale. Certains passent du salariat à l’entrepreneuriat, d’autres choisissent de se reconvertir dans des métiers plus manuels, ou plus proches de l’humain. Il ne s’agit pas toujours de tout quitter pour tout recommencer, mais parfois simplement de réorienter son activité, de redonner du sens à son engagement quotidien.

De nombreux dispositifs existent pour accompagner cette transition dans votre vie professionnelle !

Les bilans de compétences pour faire le point sur sa situation de travail

Si vous êtes perdu, si vous souhaitez vous reconvertir, mais que vous ne savez pas encore dans quel domaine, le bilan de compétences est un outil précieux.

C’est un dispositif d’accompagnement qui permet à un salarié ou demandeur d’emploi de faire le point sur ses compétences, ses aptitudes et ses motivations. Il aide à clarifier un projet professionnel ou à envisager une reconversion. Réalisé avec un conseiller spécialisé, il se déroule généralement sur plusieurs semaines et peut être financé via le Compte Personnel de Formation (CPF). Ce bilan aboutit à un plan d’action réaliste et personnalisé. Il permet de mieux se connaître pour mieux orienter sa carrière.

La validation des acquis de l’expérience (VAE)

La validation des acquis de l’expérience (VAE) permet d’obtenir tout ou partie d’un diplôme ou d’un titre professionnel en faisant reconnaître votre expérience professionnelle, associative ou bénévole. Vous devez justifier d’au moins un an d’expérience en lien direct avec le diplôme visé. Un dossier est constitué pour démontrer les compétences acquises, et un jury évalue la demande. La VAE est un moyen d’évolution ou de reconversion sans passer nécessairement par une formation classique. Elle valorise l’expérience autant que les savoirs académiques.

Les congés de transition professionnelle

Le projet de transition professionnelle (PTP) est un dispositif qui permet à un salarié en CDI, CDD ou intérimaire de s’absenter de son poste pour suivre une formation certifiante en vue d’une reconversion. Il remplace l’ancien CIF (Congé Individuel de Formation). Pendant la durée de la formation, le salarié peut percevoir une rémunération sous conditions. Le PTP est soumis à l’accord d’un organisme financeur (Transitions Pro) après étude du projet. Ce dispositif soutient les reconversions ambitieuses et bien construites.

Changer de voie : les obstacles à surmonter

Changer de voie professionnelle n’est pas un long fleuve tranquille. Peur de l’échec, insécurité financière, regard des autres… Les freins sont nombreux, et parfois paralysants. C’est pourquoi il est important de ne pas être seul dans cette démarche !

Se faire accompagner dans sa reconversion professionnelle permet de structurer son projet, de valider sa faisabilité, et de se sentir soutenu dans les moments de doute. Pour cela, plusieurs astuces : 

  • Rencontrez des personnes qui ont déjà franchi le pas ;
  • Participez à des ateliers, des salons ou des webinaires sur la reconversion. 
harcèlement au travail

Prévenir les risques professionnels : vers un nouveau rapport au travail

INRS et souffrance au travail

L’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) est un organisme français spécialisé dans la prévention des risques professionnels. Il a pour mission d’aider les entreprises à protéger la santé et la sécurité de leurs salariés grâce à des études scientifiques, des guides pratiques, des vidéos, des formations et des outils pédagogiques qui permettent de mieux comprendre et d’éviter le risque d’accident du travail et les maladies professionnelles

L’INRS travaille en lien étroit avec la Sécurité Sociale et sa branche risques professionnels. Son action couvre de nombreux domaines, comme les troubles musculosquelettiques, les risques chimiques, le bruit, le stress professionnel…

Repenser les modèles

Au-delà des solutions individuelles, il est urgent de repenser collectivement notre rapport au travail, pour prévenir la souffrance professionnelle. Les modèles basés sur la compétitivité, la rentabilité et l’hyperconnexion ne sont plus soutenables. Les nouvelles générations, mais aussi de nombreux salariés expérimentés, aspirent à un travail qui a du sens, qui respecte leur rythme, et leur équilibre de vie.

Certaines entreprises l’ont compris. Les dirigeants deviennent acteurs de la prévention, et investissent désormais dans l’évaluation des risques professionnels, la qualité de vie au travail (QVT) et le bien-être au travail. Elles favorisent des formes de management plus humaines sur le lieu de travail, encouragent la formation continue, la mobilité interne, la sécurité au travail, et reconnaissent la pluralité des parcours. 

La prévention des risques de souffrance au travail doit devenir une priorité, au même titre que la performance économique. Établir un plan d’actions avec des mesures de prévention et d’amélioration des conditions de travail doit être systématique au sein des entreprises. En effet, une organisation ne peut être durable que si les femmes et les hommes qui y travaillent s’y sentent bien !

Aller à la barre d’outils