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Créer son entreprise est un projet qui séduit de plus en plus de Français. Qu’il s’agisse de lancer une activité artisanale, commerciale, libérale ou de services, beaucoup rêvent d’indépendance, de liberté d’organisation et de sens retrouvé dans leur travail. Cependant, la question financière constitue souvent un frein majeur. Comment quitter son emploi sans s’exposer à une perte brutale de revenus ? Peut-on bénéficier d’un revenu de remplacement pendant la période de lancement ? 

La bonne nouvelle, c’est que démissionner pour créer son entreprise tout en touchant le chômage est possible en France, grâce au dispositif démissionnaire mis en place depuis 2019. Ce régime spécifique permet à un salarié de quitter volontairement son emploi, sous conditions, pour se lancer dans l’entrepreneuriat, tout en percevant l’Allocation de retour à l’emploi (ARE). Zoom sur son fonctionnement !

Peut-on toucher le chômage après une démission ?

Traditionnellement, la démission ne permet pas d’accéder à l’allocation chômage, car elle est considérée comme un départ volontaire. Jusqu’à récemment, seules quelques exceptions permettaient d’être indemnisé (raisons familiales, harcèlement, non-paiement des salaires…).

Mais depuis 2019, une évolution majeure a eu lieu : la démission pour création ou reprise d’entreprise peut ouvrir droit au chômage, via le dispositif démission reconversion, à condition de respecter certains critères.

Cela constitue un changement majeur, car il est désormais possible de quitter son emploi pour créer son entreprise sans être totalement privé de ressources.

demission chomage

Le dispositif démissionnaire : de quoi s’agit-il ?

Un cadre légal au service de la reconversion

Le dispositif démission reconversion est une mesure gouvernementale qui vise à faciliter les reconversions professionnelles.

Son objectif est clair : permettre aux salariés souhaitant démissionner pour créer ou reprendre une entreprise ou se former à un nouveau métier d’obtenir l’allocation chômage (ARE), sous certaines conditions.

Ce dispositif sécurise financièrement la période de transition en offrant un revenu pendant la préparation et le lancement du projet entrepreneurial.

Quelles sont les conditions pour bénéficier du dispositif ?

Pour bénéficier du chômage après une démission dans le cadre du dispositif démissionnaire, plusieurs conditions doivent être réunies. Ces critères sont stricts, car ils visent à garantir la réalité et le sérieux du projet.

Avoir un projet réel et sérieux

La création ou reprise d’entreprise ne doit pas être une intention vague : il faut présenter un projet structuré, argumenté et cohérent. Transitions Pro, l’organisme compétent, évalue :

  • La faisabilité du projet ;
  • Les compétences du porteur ;
  • La préparation réalisée (étude de marché, prévisionnel…).

Justifier de 5 ans d’activité salariée continue

Pour être éligible, le salarié doit avoir travaillé au moins 1 300 jours au cours des 60 derniers mois (environ 5 ans). Cette durée doit correspondre à une activité professionnelle continue, même si elle inclut plusieurs employeurs.

Démissionner d’un CDI

Le dispositif s’adresse uniquement aux salariés en CDI qui souhaitent réaliser une reconversion professionnelle. Les personnes en CDD, intérim ou fonction publique ne sont pas concernées.

Valider son projet avec un CEP

Avant de démissionner, il est obligatoire de solliciter un Conseiller en Évolution Professionnelle (CEP). Celui-ci accompagne le salarié et l’aide à construire le dossier destiné à la Commission régionale Transitions Pro (anciennement Fongecif).

Sans cette validation préalable, France Travail ne peut pas déclencher le versement de l’ARE.

Les étapes du dispositif démissionnaire

Identifier et structurer son projet entrepreneurial

La première étape consiste à clarifier son idée. Beaucoup de salariés souhaitent entreprendre, mais leur projet reste diffus : lancer une boutique, devenir consultant, ouvrir un food-truck… À ce stade, il est essentiel de préciser la nature exacte de l’activité envisagée et ses objectifs.

demission reconversion

Il s’agit notamment de se poser les bonnes questions :

  • Quel produit ou service vais-je proposer ?
  • À qui s’adresse mon offre ?
  • Quelle est la valeur ajoutée de mon activité par rapport à la concurrence ?
  • Quels seront mes besoins financiers ?
  • Comment vais-je me rémunérer au lancement ?

Ce travail préliminaire permet de passer d’une intention à un début de projet concret. Il n’est pas encore nécessaire de disposer d’un business plan abouti, mais l’idée doit être suffisamment claire pour pouvoir être présentée à un conseiller.

Contacter un Conseiller en Évolution Professionnelle (CEP)

Une étape incontournable et obligatoire consiste à solliciter un Conseiller en Évolution Professionnelle (CEP). Ce service, gratuit, est assuré par différents organismes :

  • APEC (pour les cadres) ;
  • Missions locales (pour les moins de 26 ans) ;
  • Cap emploi (pour les personnes en situation de handicap) ;
  • ou encore les opérateurs régionaux spécialisés.

Le rôle du CEP est d’accompagner le salarié dans la formalisation de son projet et de vérifier sa cohérence. Contrairement à un coach ou à un expert-comptable, il ne crée pas le projet à votre place, mais aide à le questionner, à l’approfondir et à en valider les fondements.

Constituer et déposer un dossier auprès de Transitions Pro

Une fois le projet structuré, le salarié doit constituer un dossier à soumettre à la Commission d’Instruction Transition Pro de sa région. Cette commission a pour mission d’évaluer le « caractère réel et sérieux » du projet. Il ne s’agit pas de juger la garantie de réussite économique, mais plutôt d’évaluer si le porteur de projet a entrepris une démarche cohérente, complète et réaliste.

Le dossier doit notamment comporter :

  • Une présentation détaillée du projet (activité, objectifs, modèles économiques) ;
  • Une analyse du marché (clients, concurrence, tendances) ;
  • Une stratégie commerciale (canaux de vente, communication) ;
  • Un budget prévisionnel avec estimation des charges et des revenus ;
  • Une estimation des besoins en financement (apports personnels, prêts éventuels) ;
  • Les démarches prévues ou engagées (formations, études, contacts professionnels).

Selon les cas, des pièces justificatives peuvent être demandées : devis, attestations, promesses de collaboration… L’objectif n’est pas de fournir un document parfait, mais de démontrer que le projet est réfléchi, structuré et réalisable.

La commission rend ensuite un avis, souvent sous quelques semaines. En cas d’avis favorable, le salarié peut alors poursuivre la procédure.

Démissionner de son CDI après validation

Contrairement à une idée reçue, il est impératif d’attendre l’accord de Transitions Pro avant de démissionner. Si vous démissionnez avant l’obtention de cette validation, vous perdez toute possibilité de bénéficier du dispositif.

Une fois l’avis favorable obtenu, le salarié peut démissionner sereinement. Il convient bien sûr de respecter les règles habituelles : notification à l’employeur, préavis prévu au contrat ou par la convention collective…

À partir de cette démission, le salarié dispose d’un délai de 6 mois pour s’inscrire à France Travail (anciennement Pôle Emploi).

S’inscrire à France Travail dans les délais

Après la démission, l’inscription à France Travail constitue la prochaine étape. C’est ce qui déclenche l’ouverture des droits à l’ARE.

Lors de l’inscription, il faut fournir :

  • L’avis favorable de Transitions Pro ;
  • Le justificatif de démission (date, préavis…) ;
  • Les documents transmis par l’employeur (attestation France Travail…).

Si toutes les conditions sont réunies, l’ouverture de vos droits est validée.

Créer ou reprendre l’entreprise

Une fois inscrit, le porteur de projet doit se consacrer au lancement de son activité.
Il peut procéder à :

  • La création de la structure juridique (micro-entreprise, SAS, SARL…) ;
  • La reprise d’une entreprise existante ;
  • Les demandes de financement ;
  • La mise en place des premiers réseaux commerciaux.

Durant cette période, il perçoit l’ARE selon les règles applicables à son statut.

Suivi du projet et cumul éventuel avec l’ARE

Pendant les premiers mois d’activité, l’entrepreneur peut continuer à toucher une partie de ses allocations chômage, à condition de déclarer ses revenus chaque mois. Si l’activité génère peu ou pas de chiffre d’affaires au démarrage, l’ARE compense en partie, offrant une certaine sécurité financière.

Ce cumul permet une transition progressive entre le salariat et l’entrepreneuriat.

Faut-il créer son entreprise avant la démission ?

Non. Le principe du dispositif démissionnaire impose d’obtenir l’avis favorable de Transitions Pro avant de démissionner. C’est une garantie pour éviter qu’un salarié démissionne sans assurance d’être indemnisé.

Comment construire un projet entrepreneurial solide ?

Pour maximiser les chances d’obtention du dispositif démissionnaire, mais aussi pour sécuriser l’avenir de l’entreprise, il est essentiel d’élaborer un projet bien structuré.

Cela implique notamment :

  • Une étude de marché claire et poussée ;
  • Un business plan détaillé ;
  • Un budget prévisionnel réaliste ;
  • La définition d’un positionnement ;
  • L’identification de clients potentiels ;
  • Une stratégie de communication.

Pour toutes ces étapes, il peut être utile de s’entourer : réseaux de créateurs d’entreprise, incubateurs, CCI, CMA, experts-comptables…

Les alternatives au dispositif démissionnaire

Ceux qui ne peuvent pas bénéficier du dispositif démissionnaire peuvent envisager d’autres solutions :

  • La rupture conventionnelle : il s’agit d’un accord amiable entre employeur et salarié, qui permet d’accéder au chômage ;
  • Le congé pour création d’entreprise : il implique une suspension temporaire du contrat, avec possibilité de retour ;
  • Le temps partiel : le salarié choisit alors de travailler moins pour développer son projet en parallèle.
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